
© Kirsty Wigglesworth Source: AP
Des manifestants brandissent des photos de victimes du Covid et des pancartes devant Dorland House, alors que l'ancien Premier ministre britannique Boris Johnson témoigne devant l'enquête publique sur la gestion du Covid-19, à Londres, le 7 décembre 2023.
L'enquête publique sur la gestion de la pandémie conclut que le gouvernement britannique a réagi «trop peu, trop tard», entraînant des décisions tardives, des confinements prolongés et un lourd bilan humain. Selon le rapport, des mesures anticipées auraient permis d'éviter les fermetures généralisées et de réduire drastiquement les décès.
L'enquête publique sur la gestion de la crise du Covid-19 au Royaume-Uni, qui a coûté la vie à 226 000 Britanniques, dresse un réquisitoire sévère contre la réaction du gouvernement au début de la pandémie. Dans son deuxième rapport publié le 20 novembre, la baronne Heather Hallett estime que les autorités britanniques ont sous-estimé la gravité de la situation en janvier, février et début mars 2020, retardant les décisions essentielles et aggravant considérablement l'impact sanitaire, social et économique de la crise.
Selon l'enquête, un confinement national imposé une semaine plus tôt aurait permis d'éviter près de 23 000 décès durant la première vague. Mieux encore, des mesures rapides - isolement des cas, distanciation sociale, restrictions ciblées - auraient pu rendre inutile le premier confinement décrété le 23 mars 2020.
Un État mal préparé et des décisions tardives
Le rapport décrit une administration « gravement déficiente » et un appareil gouvernemental traversé par les hésitations, les rivalités internes et une absence d'anticipation. Whitehall, affirme la commission, n'avait pas envisagé l'hypothèse d'un confinement national ni préparé les outils nécessaires à une réponse rapide.
La baronne Hallett souligne que les gouvernements britannique, écossais, gallois et nord-irlandais ont tous tardé à mesurer « l'urgence et l'ampleur » de la menace, malgré la propagation rapide du virus vers l'Asie du Sud-Est puis l'Europe.
Le Premier ministre de l'époque, Boris Johnson, est particulièrement mis en cause : il « n'a pas compris assez tôt qu'il s'agissait d'une crise exigeant un leadership direct », et a multiplié les revirements, notamment à l'automne 2020, permettant au virus de circuler librement durant plusieurs semaines.
Les fêtes organisées dans la résidence du Premier ministre, connues sous le nom de « partygate », figurent aussi dans le rapport. Selon son auteur, ces fêtes auraient pu saper la confiance du public dans les décisions officielles et augmenter le risque que les Britanniques ignorent les règles de confinement.
Une gestion bureaucratique défaillante
L'enquête pointe également des responsabilités au sein de la haute administration. Sir Christopher Wormald, haut fonctionnaire aujourd'hui à la tête de la fonction publique, est accusé d'avoir donné des « assurances trompeuses » sur le niveau de préparation du pays. Le ministère de la Santé, sous l'autorité de Matt Hancock, aurait présenté à Downing Street une vision « excessivement optimiste » de sa capacité à faire face à la crise.
Les scientifiques des comités d'urgence ne sont pas épargnés. Le rapport estime que le conseil scientifique (SAGE) a failli en recommandant de ne pas agir trop tôt par peur de provoquer une « fatigue » de la population - une approche désormais jugée contre-productive.
Le document revient en détail sur le rôle de Dominic Cummings, conseiller influent de Boris Johnson, dont l'influence est décrite comme « déstabilisante et toxique ». La baronne Hallett évoque un climat « sexiste, conflictuel et corrosif » à Downing Street, alimenté selon elle par le comportement du conseiller, ce qui aurait nui à la cohésion décisionnelle au cœur du pouvoir exécutif.
Des conséquences durables sur la société
Au-delà du bilan humain immédiat, le rapport insiste sur les effets de long terme des confinements successifs : interruption prolongée de la scolarité, aggravation des inégalités sociales, retards massifs dans le diagnostic et le traitement d'autres maladies, fragilisation économique et psychologique de millions de familles.
Les enfants, souligne l'enquête, n'étaient pas les plus exposés aux formes graves du Covid-19, mais figurent parmi les populations ayant « le plus souffert » des fermetures d'écoles, faute d'une préparation suffisante pour assurer l'enseignement à distance.
Pour la baronne Hallett : « Si le Royaume-Uni avait été mieux préparé, les pertes humaines auraient été nettement moins élevées, les coûts sociaux et économiques auraient été réduits, et certaines décisions politiques auraient été plus simples et moins douloureuses ». Ce rapport constitue le deuxième module d'une enquête fondée sur plus de 160 témoignages recueillis au cours de neuf semaines d'audiences publiques.